mardi 1 juin 2010

NÉPAL : LE MANDAT DE L'ASSEMBLÉE CONSTITUANTE PROLONGÉ IN EXTREMIS

Le 1er mai dernier, plus de 500 000 personnes se sont rassemblées dans les rues de Kathmandou (Népal) à l’appel du Parti Communiste Unifié du Népal (Maoïste) – PCUN(M) – dans ce qui aurait très bien pu constituer une démonstration de force en vue d’un deuxième mouvement populaire afin d’abolir la monarchie une fois pour toutes et de promulguer une constitution démocratique au Népal.

Depuis 1996, le Népal a été le théâtre d’une guerre populaire (révolution) menée par le PCUN(M) afin de renverser la monarchie tyrannique qui y règne depuis plus de 240 ans et ainsi garantir des droits égaux et la dignité pour les femmes, les paysans, les ouvriers, les nationalités et les castes opprimées. Après avoir mené la lutte armée dans les campagnes pendant plus de 10 ans et pris le contrôle de plus de 80% de la superficie du pays, le PCUN(M) a intégré le gouvernement en 2007 en remportant les élections à l’assemblée constituante. (assemblée destinée à écrire une nouvelle constitution démocratique pour le Népal) La tenue de ces élections avait alors été forcée par les maoïstes qui, alliés avec les sept partis parlementaires les plus importants, avaient déclenché une vaste mobilisation dans la capitale après que le roi Gyanendra ait dissout le parlement et suspendu tous les droits démocratiques. Le mouvement (appelé Mouvement d’avril), aux rangs duquel on pouvait compter non seulement les moins bien nantis et les opprimés mais aussi plusieurs intellectuels, avocats, hommes d’affaires, etc. avait alors été réprimé dans le sang par l’Armée Royale Népalaise (ARN); faisant escalader la tension jusqu’au siège du palais et à la capitulation du roi.

Un gouvernement intérimaire de coalition dirigé par le PCUN(M) avait alors été formé en attendant la réécriture de la constitution. L’écriture de la nouvelle constitution achoppant des suites de la position statu quo-iste des partis parlementaires, les maoïstes ont quitté le gouvernement (mais pas l’assemblée constituante) en mai 2009 par protestation, après que le président ait renversé une motion visant à limoger le chef de l’ARN (renommée depuis l’Armée Nationale…), coupable de nombreux crimes, dont la répression du Mouvement d’avril.

À l’approche de la date limite du 28 mai 2010 pour l’écriture de la constitution, l’impasse n’était toujours pas résolue; les maoïstes demandant la démission du président et la formation d’un nouveau gouvernement de coalition dirigé par eux (ils ont gagné l’élection, après tout…) afin d’accepter de prolonger le terme de l’assemblée constituante pour empêcher que le pays se retrouve dans un « vide gouvernemental ». Le président refusant toujours de démissionner à la veille de l’échéance, le PCUN(M) n’aurait eu d’autre choix que de lancer un deuxième mouvement populaire, cette fois ci contre ses anciens alliés, les partis parlementaires, qui se sont montrés enthousiastes, à un certain moment, dans la lutte contre le roi, mais qui se sont avérés beaucoup plus frileux lorsqu’il a été question d’assurer des conditions de vie dignes de ce nom au peuple népalais. Ce mouvement aurait alors probablement mené à l’insurrection et à la prise du pouvoir par le PCUN(M), ainsi qu’à une intervention militaire subséquente de la part de l’Inde, dont le Népal est presque une colonie et qui accumule des troupes à la frontière du Népal depuis maintenant plusieurs mois.

Le samedi 29 mai, soit le lendemain du terme de l’assemblée constituante, alors que la tension était à son maximum et les partis parlementaires acculés au pied du mur, un accord in extremis est intervenu entre les maoïstes du PCUN(M), 4 partis Madhesis (un des groupes ethniques parmi la centaine qui compose la population du Népal) et 64 parlementaires de l'UML (un des deux principaux partis parlementaires) afin de prolonger le mandat de l’assemblée constituante d’un an.

Tous les termes de l'accord ne sont pas connus mais voici les trois points principaux :

1. Afin d'amener le processus de paix à une fin logique et accomplir l'objectif historique d'écrire une Nouvelle Constitution, nous nous engageons ici à accomplir nos tâches dans le consensus et l'unité.

2. Nous acceptons d'étendre le mandat de l'Assemblée Constituante pour une période d'un an afin d'accomplir les tâches finales pour l'écriture de la constitution.

3. Afin d'accomplir les travaux et responsabilités susmentionnés nous acceptons de former un gouvernement d'Unité Nationale par le consensus et assurons que le premier ministre du gouvernement de coalition actuel est prêt à donner sa démission.

Le président n'a pas encore démissionné mais s'est engagé à le faire au plus vite. La tension est donc pour l’instant tombée, mais la situation demeure grosso modo la même, car la divergence qui oppose le PCUN(M) aux partis parlementaires (partis bourgeois) est fondamentale. En effet, alors que les bourgeois désirent écrire la nouvelle constitution en vue de développer le capitalisme et d’implanter au Népal la démocratie bourgeoise (celle qui fait passer les profits au dessus de la dignité et des droits humains), les maoïstes souhaitent plutôt implanter le modèle de la démocratie nouvelle, qui garantit l’égalité non seulement en théorie, mais aussi en pratique, afin d’implanter au Népal une économie planifiée destinée à répondre aux besoins de la population ainsi qu’une société libre de l’oppression et de l’exploitation : c'est-à-dire le socialisme. Cela inclus entre autres la confiscation des terres aux grands propriétaires féodaux et leur redistribution aux paysans sans terres, ainsi que la restriction du droit d’entreprise; choses que les bourgeois ne pourront jamais accepter.

L’extension du terme de l’assemblée constituante mènera donc vraisemblablement à une autre impasse, à moins que les bourgeois capitulent, car les maoïstes constituent en ce moment (et pour longtemps encore) la force politique principale au Népal. Ils s’efforcent donc pour l’instant de faire le plus de gains possibles à l’intérieur du cadre parlementaire, ce qui les maintient hors de danger de l’intervention indienne. Il viendra cependant un moment où la contradiction redeviendra antagonique; où soit les bourgeois, soit les maoïstes (espérons-le) devront prendre le pouvoir, auquel cas ils devront se préparer à l’invasion. L’escalade de la tension pourrait donc reprendre à tout moment et la situation est à suivre avec la plus grande attention : nous pourrions, avec un peu de chance mais, surtout, d’adresse de la part de nos camarades népalais être bientôt témoins de la première révolution victorieuse du 21e siècle!

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